Parole de victimes (suite)

Tous les prénoms dans ces témoignages ont été modifiés par soucis de confidentialité.

Certains témoignages peuvent heurter la sensibilité des personnes non averties. 

 

Tous les témoignages de personnes victimes sont regroupés par thèmes ci-dessous cliquables : 

Accident de la circulation  -  Agression physique   -   Discrimination   -   Harcèlement     -   Viol ou Agression sexuel   -   Violences Conjugales

 

Paroles de victimes

Accident de la circulation

 Clara, 19 ans, Occitanie, victime d’un accident de la circulation

"J’ai eu un accident de la route environ 6 mois après avoir eu mon permis. Ça s’est passé le matin du 12 novembre 2018 à 7h30 alors que je partais de chez mon copain pour rejoindre mon école.

J’ai évité un sanglier, la voiture a glissé car il pleuvait, elle a fait de l’aquaplaning. L’avant de la voiture a pilé dans le fossé. La voiture s’est retournée sur le plafond puis s’est mise sur les deux roues du côté passager. À mon grand étonnement j’ai été particulièrement silencieuse pendant le déroulement de l’accident. Je n’ai pas pleuré, je ne comprenais pas vraiment ce que je ressentais à ce moment-là. Mon objectif était : « je dois sortir d’ici ». J’ai détaché ma ceinture, tapé la tête contre la vitre, attrapé le volant qui s’était bloqué et l’appuie tête pour essayer d’ouvrir la portière. En même temps que j’ouvrais la portière, j’ai appuyé sur le klaxon pour essayer d’alerter les gens. En général quand les gens voient une voiture accidentée sur le bord de la route, ils croient que la voiture a été abandonnée alors j’ai préféré klaxonner. Une dame s’est arrêtée puis un monsieur. Le monsieur a appelé les pompiers pour moi, et la dame a sauté par-dessus le fossé pour m’aider à tenir la portière et pour que je puisse sauter et avoir mes deux pieds sur le sol.

Je n’ai rien eu, physiquement, je n’ai pas été à l’hôpital. Mais, psychologiquement cela a été dur et ça l’est encore. J’ai longtemps fait des cauchemars, eu des flashbacks. Aujourd’hui j’utilise encore la voiture car je n’ai pas le choix mais c’est une source de stress. Rouler vite me fait peur. Dès que je passe les 80, 90km/h, je suis très stressée."

Agression physique

 

Discrimination 

 

Harcèlement

Inès, 54 ans, Bretagne, Victime de harcèlement au travail 

"Durant plus de 35 ans de carrière, je n’ai jamais eu aucun problème avec mes différentes directions ou mes collègues, bien au contraire. J’avais un poste à responsabilité et je manageais la plus grande équipe de la structure. Un nouveau directeur est arrivé et je ne sais plus comment tout s’est enchaîné. Il m’a rapidement fait faire un bilan de compétence et a refusé de recruter de nouveaux employés lorsque mon activité a augmenté. Je me retrouvais surchargée de travail et j’enchaînais les heures supplémentaires. Lorsque j’ai osé me plaindre, il m’a reproché mon manque d’organisation et m’a conseillé de « faire du yoga » car si je n’arrivais pas à gérer la situation c’était à cause de la fatigue et non pas parce que l’équipe était en sous-effectif. 

Il a fait appel à une coach pour me rencontrer et mettre en place un suivi, cette dernière a décelé un burn out. Il a très mal réagi et a décidé de couper court. Le soir même, mon médecin m’a prescrit le premier arrêt maladie de ma vie. Dès lors, il m’avait en ligne de mire et était toujours en désaccord avec moi. Lorsque je refusais des congés à des membres de mon équipe, lui les acceptait pour me mettre en difficulté. En réunion, il n’hésitait pas à m’humilier. Il suffisait que je pose une question pour qu’il me fasse la leçon, pour me dire que j’étais hors sujet ou que ce n’était pas le moment d’en parler. Il disait à certains collègues que je ne comprenais rien et leur demandait « ça va avec elle ? ». C’est là que j’ai compris ce que je subissais : du harcèlement moral. Je commençais alors à perdre crédibilité et confiance en moi, j’avais l’impression que je ne savais plus faire mon travail. Dans le cadre d’une enquête menée sur les risques psychosociaux dans la structure, le directeur me questionne sur mon management. Dès que je réponds, il rétorque « ce n’est pas une réponse » et en profite pour s’attaquer à d’autres chantiers : « autant de personnes à gérer c’est beaucoup trop pour vous », « votre mail n’était pas correct » ...

Pourtant, c’était ses mails qui étaient durs. J’étais désemparée lorsque j’en recevais un, je ne savais pas quoi répondre. Quelques mois plus tard, il m’annonce qu’il a une « bonne idée » pour moi. Il m’invite à prendre un autre poste et à laisser ma place, mes responsabilités et mon équipe à quelqu’un d’autre, car selon lui, je n’aimais pas le management. Je ne lui ai jamais rien dit à ce sujet. Mon sort était déjà scellé : je devais accepter un poste de « référente » (sans trop savoir ce que c’était) ou partir. Je n’étais pas étonnée, j’étais sur un siège éjectable depuis son arrivée. En prenant ce nouveau poste, parquée dans un bureau exigu à six, loin du confort de mon ancien bureau, les brimades ont continué. Un jour il a osé dire aux collègues qu’il ne fallait pas m’écouter car j’étais de l’ancien temps. C’est là que ma descente en enfer a commencé.

Pendant 3 mois, je me suis retrouvée à effectuer des missions de débutante. Je faisais des heures supplémentaires sans aucune rémunération. Je n’avais plus de loisirs, plus de vie sociale, je ne pensais qu’au boulot et à satisfaire mon directeur. Ma vie privée en a pris un coup. Je mentais à mon mari pour pouvoir rester plus tard au travail, mes enfants m’en voulaient car je m’éloignais d’eux. Ma famille s’est sentie délaissée et s’est éloignée de moi en retour.

Sous pression, j’ai à nouveau été arrêtée pour la 3e fois en quelques mois. À mon retour, j’étais tellement angoissée à l’idée de reprendre le travail et de le revoir que j’en suis tombée malade. Je suis arrêtée depuis 1 an.

Ma vie a complètement basculé. Sous anti dépresseurs et somnifères, je ne sortais plus du lit et dormais plus de 15 heures par jour pendant des mois. J’étais en décalage, je n’avais plus envie de rien, je n’avais pas la force de voir du monde. J’étais épuisée mentalement et physiquement. J’ai pris du poids, je faisais des cauchemars toutes les nuits. Je vivais avec la boule au ventre. J’avais peur de cet homme dont je n’arrivais pas à me défaire. Pendant 2 ans, j’ai supporté le harcèlement de cet homme pensant que c’était moi le problème. Aujourd’hui, je ne sais pas quel est mon avenir. J’ai peur d’y retourner mais j’ai aussi peur de reprendre un autre travail. Suis-je assez bien ? Cet homme m’a détruite et aujourd’hui j’essaye de me reconstruire grâce à mes proches. J’ai pris conscience que la vie était ailleurs."

Viol ou Agression sexuelle

Marine, Région Rhônes-Alpes, victime d'inceste par son cousin

" J'ai été victime d'inceste par mon cousin aînée de six ans. Ayant fait une amnésie traumatique pendant 15 ans, les souvenirs remontent lors d'un autre traumatisme le harcèlement scolaire, et un autre abus sexuel en clinique. Je refuse d'y croire et reste dans le déni jusqu'au jour où mon cousin m'annonce son mariage. J'ai alors tout de suite peur pour les possibles enfants qui viendront par la suite et donc la reproduction de l'inceste. Mais j'ai honte et je n'arrive pas à parler. J'ai peur que l'on ne me croit pas car je suis une fille bizarre et malade. 

Je contacte  un an plus tard une psychiatre et une  psychologue qui restent dans le secret, jusqu'à ce que je n'en puisse plus et commette en 2015 une tentative de suicide gravissime où je révèle à ma famille la face cachée de mon cousin abuseur. Je suis perçue comme le monstre, je me fais hospitaliser mais je me sens coupable car mon cousin se pose en victime et j'apparais comme le monstre. Je m'enfonce dans la dépression, les troubles alimentaires, les scarifications, les idées suicidaires jusqu'au jour où mes parents "m'autorisent" à porter plainte en 2018 soit trois ans plus tard (j'attendais leur accord car j'avais peur de les perdre). Je revis. Je me fais aider par l'association VIFFIL. Je suis interrogée à la Brigade des Mineurs, puis à la gendarmerie, aie une expertise psychiatrique, mais grâce au soutien de mes parents et du corps médical où je suis hospitalisée j'arrive à surmonter les évènements. Je porte plainte le 30 mai 2018. L'instruction dure deux ans et le 9 janvier 2020 je suis reçue à la maison de justice et du droit pour avoir le verdict: classement sans suite.

Malgré cela mon cousin ayant agit quand j'avais moins de 15 ans a été enregistré dans le fichier national des délinquants sexuels, et mis en garde à vue pendant une journée. Malgré un classement sans suite, je vis de nouveau; je passe du statut de coupable à celui de victime. C'est la fin d'une grande souffrance." 

 

Violences Conjugales

Céline, 39 ans, agressée de nuit par son ex compagnon

"Après l'agression, je ne voulais rien dire. J'avais honte. Ce sont les enfants que je gardais qui ont parlé le lendemain. Deux jours après, j'ai fait une déposition à la gendarmerie. C'est eux qui ont prévenu l'association d'aide aux victimes. J'ai très vite été reçue. L'intervenant m'a tendu la perche pour raconter, et m'a déculpabilisée. C'est quelqu'un à qui l'on peut tout confier sans être jugée. Il a su refaire le puzzle, même s'il y a toujours la cicatrice. Il m'a conseillé de porter plainte. Une dame de l'association m'a accompagnée au procès ; ça m'a fait du bien, comme la condamnation de mon ex. C'était important que je sois reconnue comme victime, notamment pour ceux qui minimisaient en disant que c'était juste une gifle ou deux. Mais ce n'était pas une gifle ou deux ! Après ça, je ne pensais jamais pouvoir assez remercier l'association. Des gens qui vous tendent la main sans rien demander en retour, c'est tellement rare ! C'est pour ça que j'ai accepté de témoigner. Il faut que cette association ait les moyens de continuer à fonctionner."


Yoan, 45 ans, 6 enfants, victime de tentative de meurtre par son épouse

"Il y'a 5 ans, j'ai subi une tentative de meurtre par mon épouse, son amant et un homme de main. Ils m'ont assené 7 coups de couteaux et m'ont drogué à la benzodiazépine. Mon épouse a été mise en détention provisoire et mes enfants ont été placés en maison de l'enfance pendant mon hospitalisation. Elle a ensuite été condamnée à 20 ans de prison sans appel, son homme de main à 13 ans et son à amant à 10 ans. J'ai eu connaissance de l'association par Internet et via la procédure SOS Victimes que j'ai contacté 8 mois après les faits. Cela m'a permis de bénéficier d'une aide juridique et d'une bonne orientation mais également d'une réelle écoute de ma part de la psychologue, que je consulte encore aujourd'hui, à raison d'une fois par mois."